Actualités des télévisions étrangères

La « Cathédrale de la Radio » ouvre ses portes


La Villa Louvigny recevait, samedi, les fans du Concours Eurovision venus de toute l’Europe, à l’occasion d’un Gala Eurovision, au profit du Télévie, à Luxembourg. Visite guidée du berceau de RTL-TVi.

Un parc au cœur de Luxembourg-ville, au détour d’une allée, une tour s’érige derrières quelques feuillus. La Villa Louvigny se découvre aux visiteurs. Si les Luxembourgeois la connaissent bien, peu de touristes non francophones savent ce qu’elle représente. Et pourtant le bâtiment a vu naître la première station privée de radio et ensuite la première télévision commerciale du continent.

C’est en 1938 que la première pierre, de la configuration actuelle de la Villa Louvigny, a été posée. Le bâtiment existait déjà bien avant. En 1671, le général et ingénieur militaire Charles-Chrétien de Landas, seigneur de Louvigny, dote la ville de Luxembourg de nouvelles forteresses dont le réduit Louvigny qui gardera le nom de son bâtisseur, à travers le temps. En 1872, il devient un restaurant qui y fait déjà courir le Tout-Luxembourg. Tour à tour, le lieu sera une salle de combats sportifs et même un casino en 1930 ! Deux ans plus tard, la « Compagnie luxembourgeoise de la Radiodiffusion » (CLR) nouvellement créée loue la villa. La CLR en fait l'acuiqisition en 1936. Les nouveaux studios radiophoniques sont mis en service en 1939. centraux

L’Occupation allemande sera tragique pour la CLR. La Villa est dévastée. Les radio-électriques sont dynamités et la discothèque est pillée. Le siège de la CLR servira également de radio aux Forces Alliées américaines. Le 11 novembre 1945, l’Ambassadeur américain remet les locaux à la disposition de la station luxembourgeoise, mais les bâtiments sont méconnaissables, il faut tout reconstruire.
En 1952, la Villa Louvigny est dotée d’un des plus beaux et plus vastes auditoriums du monde. Il s’étend sur 6000 m², d’un studio pour orchestre et six studios de paroles avec une salle de contrôle à équipement perfectionnés pour l’époque. Trois ans plus tard, la villa devient un centre de radiodiffusion complet en accueillant aussi la télévision. En 1991, les services de radio et de télévision émigrent sur le plateau du Kirchberg, au nord de la ville. Le Gouvernement rachète le bâtiment en 1996 pour y installer l’orchestre de RTL et le Ministère de la Santé. Jusqu’en 2005, la Villa Louvigny est le siège de l’Orchestre Philharmonique de Luxembourg. Voilà pour la partie historique.

Aujourd’hui, le bâtiment est totalement dévoué au Ministère luxembourgeois de la Santé, c’est d’ailleurs un des fonctionnaires qui accueille les visiteurs du jour. De la grande époque de la CLR, il reste le fameux auditorium, une salle mythique également pour les fans de l’Eurovision puisqu’elle a accueilli la caravane du Concours en 1962 et 1966, pour plus de 60 millions de téléspectateurs. L’auditoire peut accueillir 314 places assises, pour l’époque le lieu était considéré comme une grande salle. A titre de comparaison, de nos jours, les pays organisateurs de l’Eurovision invitent le gratin des télévisions publiques européennes et les fans du Concours dans des arènes sportives. L’Auditoire de la Villa Louvigny est toujours reconnu pour ses qualités auditives. 

Lors de grosses représentations de l’Orchestre Philharmonique,des répétitions ont toujours lieues à la Villa. Une à deux fois par an, précise le guide. D’autres vestiges de RTL sont toujours visibles, la Villa Louvigny n’a pas subit de grandes transformations, quelques rafraîchissements tout au plus et une certaine mise en conformité avec les normes actuelles. La verrière du hall d’accueil est intacte avec la statue de son Altesse Royale, la Grande Duchesse Charlotte, et l’inscription sur le mur qui rappelle la mise en route des travaux de 1938 et l'inauguration en 1953 .

La Salle du Conseil n'a pas changée, après le départ de RTL. « Tout a été conservé sauf les chaises », précise le guide. La table et la fresque murale, qui représente le rayonnement de l'audiovisuel luxembourgeois à travers l’Europe et le Monde, la CLT avait également des bureaux aux Etats-Unis. Plus anecdotique, le tapis du pallier, au premier étage, date aussi de l’époque de la radio et de la télévision. Des ailes, avec un lion rouge sur un fond bleu et blanc, le symbole et le logo de Télé-Luxembourg.

Armoiries également gravées sur la façade de la Villa Louvigny. Pour des raisons budgétaires, il n’a pas été possible de le remplacer, c’est donc le même qu’il y à plus de 30 ans. Petite anecdote, ce tapis est authentique, car sur les armoiries, on peut voir le sexe du lion clairement dessiné. « C’est un des moyens pour reconnaître un vrai drapeau luxembourgeois d’un faux », explique le guide. « Les armoiries produites en Chine ou à Taiwan ne représentent pas cette partie, pourtant essentielle, du lion luxembourgeois ! ». Enfin, derniers lieux gardés presque intacts de la grande époque radiophonique du bâtiment, les deux petits studios qui surplombent le Grand Auditorium. La finalité est tout autre. Les deux pièces servent aujourd’hui de salle des archives du Ministère.

Ce sont septante ans de l’histoire de la Villa Louvigny, dans sa configuration actuelle, que le visiteur découvre lorsqu’il pénètre dans le bâtiment. Le berceau d’une marque connue et mondialement reconnue, les trois lettres magiques « R », « T » et « L ». Plus qu’un symbole, véritablement la « Cathédrale de la Radio » en Europe.


(PBs/ www.tuner.be )

Jean Stock : « C’est l’avancée du câble en Belgique qui a rendu Télé-Luxembourg bénéficiaire ! »

La carrière de Jean Stock est étroitement liée à Télé-Luxembourg. D’abord journaliste-pigiste pour RTL Radio, le Sarrebourgeois a gravi les échelons de la station jusqu'à diriger M6 et de RTL-TVi. Après être passé par TV5 et l’UER, il préside, aujourd’hui, à la destinée de Luxe TV. Rencontre avec l'homme de télé, à l’occasion des 55 ans de Télé-Luxembourg.

Quand avez-vous débuté à Télé-Luxembourg ?

C’était en avril 1967. A l’époque, je faisais des reportages « film ». Je n’avais pas les moyens de m’acheter une caméra contenant des bobines de 30 mètres pour la télévision, en noir et blanc, et je bricolais des bobines de 15 mètres pour mes reportages. Très vite, comme les sujets étaient payés à la pige, j’ai eu les moyens de m’équiper. C’est comme ça qu’en, en mai 1968, je me suis retrouvé dans les barricades avec ma nouvelle caméra de 30 mètres. Un carte d’étudiant et une carte de presse en poche. Et il ne fallait pas se tromper de carte en fonction des barrages. Tout de suite après mai 1968, on m’a proposé de devenir collaborateur quasi permanent de RTL.

Ce n’était pas la chaine qui fournissait le matériel ?

La chaine fournissait les bobines et elle demandait aux photographes ou aux débutants qui travaillaient pour elle, d’utiliser leur propre matériel pour tourner les images et les envoyer à Luxembourg. Les films étaient ensuite développés dans les caves de la Villa Louvigny et puis montés dans la tour de la Villa, pour diffusion sur Télé-Luxembourg.

Le point fort de RTL-Télévision dans les années 80 était la proximité, avec par exemple « La Bonne franquette ». En 2010, ce type d’émission marche moins. Qu’est-ce qui a changé ?

Tout d’abord, le nombre de télévisions a explosé. Ensuite, le rythme dans les programmes a été installé pour empêcher le téléspectateur de changer de chaine. Le rythme est l’ennemi du coté convivial que peut avoir un programme. A l’époque, il y avait, en plus, une réelle attente de Télé-Luxembourg en Belgique. Grâce à la valeur ajoutée, par la présence de RTL, on a pu tirer le câble dans toute la Wallonie. Une relation affective s’est donc créée entre le public et la chaine et qui a duré des années.

C’était un tournant pour Télé-Luxembourg ?

Au niveau des programmes, nous sommes passés d’une grille faite de films et de séries a un complément de programmes qui était la proximité et l’interactivité. Et par la suite, la création du journal télévisé concurrent de celui de la RTBF. Petit à petit, RTL est devenue une chaine complète et généraliste.

L’autre grand moment, c’est la scission en 1987 ?

Dans la foulée, il était normal qu’une chaine identifiée comme belge, proche du public belge, par les Belges, pour les Belges, donne naissance à RTL-TVi. Le mérite de cette mise en place en revient à Jean-Charles De Keyser qui s’est battu avec une petite équipe pour réussir à créer la chaine que vous recevez maintenant en Belgique.

Peu avant la séparation, vous disparaissez de l’antenne…

Les personnes « historiques » de la chaine avaient petit à petit pris du galon et officiaient dans des fonctions plus « télécratiques » comme Administrateur-délégué de RTL-TVi, poste que j’ai occupé pendant plus de 5 ans. Les pionniers de « Télé-Luxembourg » comme Jacques Navadic et Robert Diligent sont partis à la retraite, c’est la génération suivante qui a été appelée à prendre des responsabilités plus directoriales.

Vous n’auriez pas préféré rester à l’antenne ?

J’ai toujours considéré que nous n'étions pas propriétaires de notre audience, ni de notre chaine de télévision. Il fallait donc continuer à apprendre autre chose et tous les 3 ans, j’étais candidat à changer de métier. Cette évolution m’a conduit à Paris pour lancer M6 et plus tard à Genève pour être le Secrétaire-général de l’UER.

La première mouture de M6, sous votre impulsion n’a pas été un succès ?

La raison, c’est que pour lancer M6, nous avons eu 4 jours et trois nuits ! C’était une condition à l’attribution de l’autorisation par le Gouvernement français. Donc, nous avons mis sur M6, les programmes où nous avions les droits sur la France via RTL Télévision, comme par exemple, « La Petite Maison dans la prairie » et « Dynastie ». Très vite, nous avons compris qu’il fallait installer des mécanismes de contre-programmation et d’identification passant par une offre d’info différente des autres chaines françaises (« Le 6 minutes »). Le vrai démarrage de M6, c’est pas en mars 1987, mais en septembre. L’habillage d’aujourd’hui ressemble à celui de cette époque-là.

La création de M6 et de RTL-TVi n’a-t-elle pas tué RTL-Télévision, en emmenant vers Paris et Bruxelles les annonceurs publicitaires ?

Tout le monde se souvenait à Luxembourg, que Télé-Luxembourg était restée déficitaire 19 années après sa création en 1955 ! C’est l’avancée en Belgique avec le câble qui a permis de créer l’équilibre financier. Quand on a vu que la Belgique pouvait fonctionner de manière autonome en tant qu’entité indépendante, il a été normal de privilégier ce marché-là.

En 1987, le sort de RTL-TV était déjà scellé…

Non, il y avait l’espoir que la loi change en France concernant la publicité sur les chaines régionales et locales. Et le problème a été le même pour TMC. Il y avait d’ailleurs au début des années 80 un projet de double réseau au départ de Monaco et de Luxembourg, de chaines sous forme de « network » avec des décrochages et des publicités locales sur un tronc commun de programme. Nous étions à deux doigts de créer, en France, un grand réseau de télévision à partir des chaines historiques périphériques de télévision.

Quel regard portez-vous sur RTL-TVi aujourd’hui ?

Tout d’abord, je vois les choses d’assez loin. Je note que le bouquet de chaines RTL se porte bien en Belgique. Je pense que le vrai défi à venir sera celui des jeunes. La jeune génération qui surconsomme internet et qui se désintéresse de plus en plus de la télévision linéaire.

Après l’aventure RTL, vous vous retrouvez à TV5. Comment un patron d’une chaine commerciale devient le patron d’une chaine regroupant 5 télévisions publiques francophones ?



J’ai été contacté par le Ministre des Affaires Etrangères français. A l’époque, il y avait une volonté du Gouvernement Jospin de donner une nouvelle impulsion à TV5. Les bases étaient saines. Mais l’effort qui devait être fait était un effort sur le positionnement des programmes et du marketing. Il fallait quelqu’un qui avait réussi dans la télévision privée, pour ce poste. C’est Lionel Jospin qui a cité mon nom au Président de la République et un consensus a été trouvé autour de ma candidature lors d’un Conseil des Ministres. J’étais le premier étonné. Je n’avais d’ailleurs jamais postulé. Mais c’est un des plus beau souvenir de ma carrière.

C’est aussi vous qui y avez apporté la pub…

Oui, pour plusieurs raisons. La première, c’est parce que je considérais que les plus beaux spots de publicité francophones avaient leur place sur les écrans du monde entier. La deuxième raison était pour donner du rythme au programme. Et la troisième raison était budgétaire. TV5 fonctionne sur des budgets alloués par les Gouvernements partenaires qui étaient votés parfois plusieurs mois voire plusieurs années à l’avance. Il était donc difficile d’obtenir un nouveau financement alors qu’à l’époque nos ambitions de développer TV5 à travers le monde étaient grandes. A l’époque la proportion de rentrées pub étaient de l’ordre de 10 à 15%.

Vous devenez Secrétaire-général de l’UER, en 2001. C’est le fruit du bon travail sur TV5 ?

Absolument. C’est le patron de la TSR qui a dit au « chasseur de tête » allemand qui cherchait un Secrétaire-général pour l’Union Européenne de radio-diffusion, « vous devriez trouver quelqu’un de jeune et de moderne comme le Président de TV5 ». Le chasseur allemand est venu me voir et il m’a proposé à ce poste.

C’est impressionnant, vous vous retrouvez à la tête des plus hautes instances audiovisuelles sans rien demander finalement !

J’ai eu deux coups de chances dans ma vie professionnelle. La première, c’est quand j’étais sur la route de Paris pour changer de voiture, car celle que j’avais pour RTL Radio ne supportait pas la neige et le verglas de l’Est, et que j’allais chercher une traction avant. Il y a eu un flash spécial qui annonçait la mort du Général de Gaulle. J’étais à 35 kilomètres de Colombey-les-deux-Eglises. La deuxième chance, c’était 4 ans plus tard, d’être en vacances en Grèce lorsqu’à eu lieu le coup d’Etat. J’avais annoncé sur les antennes de RTL Radio que les colonels pourraient quitter le pouvoir sous 2 jours… ce qui m’a conduit en prison, pour la bonne cause, celle de la démocratie.

Aujourd’hui, vous dirigez Luxe TV. C’est votre dernier mandat ?

Luxe TV est aujourd’hui tout à fait sur orbite et réussira de mieux en mieux. A 61 ans, j’ai donc le choix entre une présidence paisible quasiment de pré-retraité, ou un nouveau challenge. Mon petit doigt me dit que je plongerai peut-être pour un nouveau challenge où je pourrais mettre à profit mon expérience dans la télévision privée, publique et régionale… mais ce sera le dernier.

Crédits photos : Républicain Lorrain/Archives de Marylène Bergmann